A travers l'histoire de la famille de Lydie Salvayre et du parcours de Georges Bernanos, Pas pleurer nous éclaire sur la guerre d'Espagne et les atrocités commises par les différents mouvements politiques impliqués.
Le passage suivant souligne notamment le soutien de l’Église aux massacres franquistes:
"Pour Bernanos, à Palma, ce n'était pas non plus une vie, c'est ce que j'imagine et qui se laisse deviner à la lecture des Grands cimetières sous la lune.
Au mois de mars 1937, il décida de quitter Palma et embarqua avec sa famille à bord d'un navire français. Trop d'abominations s'étaient commises sur le sol d'Espagne et trop de crimes empuantissaient l'air.
Il pensait avoir touché le fond de la hideur. Il avait vu l'évêque-archevêque de Palma agiter avec indécence ses mains vénérables au-dessus des mitrailleuses italiennes - l'ai-je vu oui ou non? écrivait-il. Il avait entendu hurler cent fois Vive la mort. Il avait vu "les chemins creux de son île recevoir régulièrement leur funèbre moisson de mal-pensants: ouvriers, paysans, mais aussi bourgeois, pharmaciens, notaires."
Il avait entendu Untel qu'il pensait être du côté des massacreurs lui avouer les yeux pleins de larmes: C'est trop, je n'en puis plus, voilà ce qu'ils viennent de commettre, et de décrire un meurtre effroyable. Il avait lu une certaine presse, dégueulasse de lâcheté, rester parfaitement muette devant les exactions franquistes. Il y a quelque chose, disait-il, de mille fois pire que la férocité des brutes, c'est la férocité des lâches.
Il avait lu le poème de Claudel "les yeux pleins d'enthousiasme et de larmes" chantant sa sainte admiration pour les Claudel que Shakespeare eût nommé tout crûment fils de p***.
Il avait vu d'honnêtes gens se convertir à la haine, d'honnêtes gens à qui l'occasion était offerte enfin de s'estimer supérieurs à d'autres, leurs égaux en misère. Et il avait écrit cette phrase qui pourrait avoir été écrite ce matin même tant elle s'applique à notre présent, "Je crois que le suprême service que je puisse rendre à ces derniers (les honnêtes gens) serait précisément de les mettre en garde contre les imbéciles ou les canailles qui exploitent aujourd'hui, avec cynisme, leur grande peur."
A son habitude, l'auteur utilise de nombreuses anaphores (répétitions à chaque début de phrase).
L'ouvrage est émouvant car très personnel et emprunt de nostalgie. Le vocabulaire de Montse (la mère de l'auteur), mélange improbable de mots français et espagnols, apporte un humour nécessaire à l'équilibre du roman.
Les thèmes de Pas pleurer sont variés:
- la guerre d'Espagne et ses atrocités
- les différents courants politiques et l'influence de l'Eglise
- le clivage des classes sociales ("Vous avez l'air bien modeste")
- le féminisme poussé par les insurrections libertaires (Montse tombe enceinte d'un homme de passage)
- la situation économique et intellectuelle du monde paysan espagnol
Titre: Pas pleurer
Auteur: Lydie Salvayre
Broché: 278 pages
Editeur : Seuil
Date de parution: 21 août 2014
Collection : Cadre rouge
ISBN: 9782021116199
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