Ce roman inspire des réactions diverses.
Le premier chapitre est simplement fabuleux. Sacha Guitry y est original tant dans le choix des événements que dans l’art de placer ses mots, et parvient à un humour noir auquel le lecteur ne peut qu’adhérer:
« Nous étions douze à table. Du jour au lendemain, un plat de champignons me laissa seul au monde. »En revanche, dans le reste du roman, l’humour est moins audacieux. Le long passage sur les méthodes de triche est même lassant. La post-face dénommée Moralité et qui est loin de l’inspirer, est également moins impertinent : Sacha Guitry y défend le jeu :
« Le jeu, vilipendé par ceux qui ne jouent pas, n’est pas du tout ce qu’ils en disent. […] Or, il ne faut pas contester l’influence excellente que le jeu peut avoir sur le moral. L’homme qui vient de gagner 1000 francs, ce n’est pas un billet de mille francs qu’il a gagné – c’est la possibilité d’en gagner cent fois plus. »Toutefois, le lecteur retrouve l’humour acéré de Sacha Guitry dans le chapitre dédié à Angoulême :
« A vingt et un ans, je suis appelé sous les drapeaux. On me verse dans l’artillerie et je fais trois ans de service à Angoulême. Ce n’est pas vilain, Angoulême – mais, Angoulême pendant trois ans, c’est trop. Et qu’on ne vienne surtout pas me dire qu’on peut mourir d’ennui. Ce n’est pas vrai. Si l’on pouvait mourir d’ennui, je serais mort à Angoulême. »Bien qu’il s’agisse d’une fiction, le fait que le narrateur ne soit jamais nommé, nous laisse présumer que certaines des idées présentées dans cet ouvrage sont probablement celles de l’auteur : la passion du jeu, l’amour de Paris, les nombreuses maîtresses du narrateur, …
Les thèmes de Mémoires d’un tricheur sont variés :
- Le passion du jeu et la triche
- Les clivages sociaux (« Appelle-moi « Monsieur le Comte », je te prie »)
- L’Histoire de Monaco et de la famille Grimaldi
- La politique (préparation de l’attentat contre le tsar Nicolas II, première guerre mondiale)
- La solitude de la vie du narrateur jusqu’à sa rencontre avec Charbonnier
- Paris
Sacha Guitry livre au lecteur une puissante et émouvante description de son Paris :
« Toutes les villes ont un cœur, et ce qu’on appelle le cœur d’une ville, c’est l’endroit où son sang afflue, où sa vie se manifeste intensément, où sa fièvre se déclare, sorte de carrefour où toutes ses artères paraissent aboutir. Mais le cœur de Paris a ceci de particulier, c’est que chacun le place où il l’entend. Chacun a son Paris dans Paris. Le mien commence à l’Arc de Triomphe et se termine place de la République – en passant par les Champs-Elysées, la rue Royale et les Grands Boulevards. Le boulevard Haussmann le limite à sa droite et la Seine à sa gauche. Passy, La Villette, Grenelle, Montmartre, dont on dit que ce sont des quartiers de Paris, pour moi ce sont de petites villes – avec leur physionomie, leurs habitudes, leurs coutumes, et souvent aussi leur accent. Un petit garçon né à Grenelle ne parle pas du tout de la même manière qu’un petit garçon né à Ménilmontant. Si mon Paris à moi est limité par la Seine, c’est que sur la rive gauche de ce fleuve se trouvent installées la Politique, la Justice, l’Instruction, les Prisons et ces grandes Maisons sinistres où l’on vous soigne – tout cela ne m’est pas extrêmement sympathique. La Chambre des Députés, le Palais de Justice, l’Institut, la Sorbonne, l’Odéon, le Panthéon et le Jardin des plantes lui-même – non, vraiment, je ne vois pas de place pour moi dans tout cela. La rive gauche a sa grandeur, et la beauté de ses monuments est évidente, mais c’est un quartier grave et les costumes modernes ne lui vont pas très bien. C’est toujours un peu Lutèce – et l’on n’est Parisien que dans mon Paris à moi. »
Cet ouvrage fut adapté au cinéma en 1936 sous le titre Le Roman d'un tricheur:
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